Curateur public, puis-je vous parler?

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Le 27 janvier 2022,

Je suis une intervenante communautaire auprès d’adultes ayant une déficience intellectuelle depuis de nombreuses années. Je travaille auprès d’un groupe merveilleux composé de plusieurs adultes qui n’ont pas de famille, des adultes représentés par le Curateur Public.  Certains des participants fréquentent le centre d’activités de jour dont j’ai la responsabilité depuis 17 ans.  J’ai la chance d’être à leur côté pour vivre des aventures, des expériences et des activités depuis toutes ces années. Encore aujourd’hui, j’apprends et notre relation ne cesse d’évoluer.  Notre organisme est en principe partenaire du réseau de la santé et des services sociaux. J’aime les participants profondément et je n’ai pas peur de le dire.

Ma réaction aux articles de La Presse  (article de La Presse (25 janvier) ) au sujet du Curateur Public fût vive, j’y ai perçu l’occasion de témoigner du sentiment d’impuissance que je ressens face à cette giga structure rigide et complexe qui sert de protection à la dignité de plusieurs membres de notre organisme. Dans l’article du 25 janvier, M Bourdon, directeur de la Direction territoriale sud au Curateur public du Québec mentionne que le Curateur Public a un rôle complémentaire à celui des organismes communautaires. C’est dans cette optique de complémentarité que je réagis.

Côtoyer des personnes  en situation de handicap pendant de longues années, les connaître, les accompagner dans des activités, intervenir sur des situations, développer des stratégies d’intervention, travailler à leur participation sociale, tout ça c’est beau pour créer et solidifier une relation, mais aux yeux de la loi, cela ne me donne aucun statut.  Cela ne me permet même pas d’être considérée quand vient le moment de mettre à jour le plan de services individualisé du réseau de la santé et des services sociaux ou encore d’être contactée par le curateur délégué pour faire un état de la situation de l’usager, encore moins pour tout simplement parler au Curateur délégué des difficultés vécues par notre participant.  Cela ne me permet pas non plus de jouer un rôle de proche aidante, même lorsque je le demande, puisque selon la nouvelle loi de la proche aidance, le lien professionnel qui me lie aux participants m’empêche de me prévaloir d’un rôle de proche aidante.  Les intérêts et l’avenir de nos membres représentés par le Curateurs Public se jouent donc souvent entre le gestionnaire de la ressource d’hébergement (à contrat pour le centre de réadaptation  (CRDI), l’éducateur pivot au dossier du CRDI et le ou la curateur.trice délégué.e.  La surcharge de dossiers, le roulement incroyable de personnel et le contexte critique du  réseau amène, dans un trop grand nombre de situations, que l’avenir et les intérêts de nos membres se jouent par des gens qui ne les connaissent pas.  Le fait que je connaisse des membres depuis tant d’années, que je m’intéresse à eux et que je sois significative dans leur vie ne compte pas selon la loi… tout est une question de mandat.

Je pourrais contribuer à améliorer la qualité de vie de certains de nos membres, je pourrais transmettre des informations cliniques, des stratégies d’intervention et partager mon vécu pour outiller les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux et les fonctionnaires du Curateur qui détiennent le pouvoir décisionnel pour ce qui est bon ou non pour les membres… mais je ne suis pas considérée.  Depuis toutes ces années, je n’ai jamais été questionnée ou consultée par un curateur désigné, et ce même si le Curateur et le CRDI savent que notre organisme joue un grand rôle dans la vie des participants depuis 17 ans.

Pour signaler ou remédier à certaines situations dans le passé, j’ai contacté des curateurs délégués.  Ces échanges ont toujours été perçus comme des attaques ou des menaces à l’égard des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux et jamais comme des initiatives bienveillantes pour le bien de nos membres.  Cela m’amène à croire que, comme les intervenants du réseau de la santé/services sociaux, les fonctionnaires du Curateur Public  mettent  plus d’énergie pour avoir l’air en contrôle des situations ou à justifier leurs actions  que pour défendre et veiller au bien être des gens dans le besoin. C’est très confrontant comme intervenante sociocommunautaire.

Tel que mentionné dans l’article de la Presse, le Curateur doit faire une visite annuelle, laquelle s’est transformée dans plusieurs situations en appel ou vidéoconférence en raison de la pandémie.  Les personnes à qui je pense présentement, ne s’expriment pas verbalement et ont de nouveaux éducateurs pivots qui ne les connaissent pas encore.  La collaboration avec les intervenants significatifs, notamment ceux des organismes communautaires qui les cotoient au quotidien, pourrait aider.

Quand j’entends que mon mandat c’est d’offrir des activités de jour et non de m’intéresser à la vie des usagers, le poil me redresse: En tant qu’intervenante dans un organisme communautaire autonome, mon mandat c’est de défendre, protéger et valoriser les gens avec qui je travaille!  C’est insultant de se faire dire qu’on dépasse notre mandat parce qu’on s’inquiète ou qu’on s’ennuie de personnes qu’on côtoie 5 jours par semaine depuis 17ans et que la pandémie tient captives dans des ressources d’hébergement!  C’est triste et insultant. 

Les organismes communautaires travaillent fort à défendre collectivement les droits, les gains sont minimes mais les luttes sont nombreuses. La responsabilité de la défense individuelle des droits de nos membres nous appartient également.  Cela devrait ne devrait jamais nous éloigner de nos membres.

Alors que le Ministère travaille présentement sur l’élaboration du nouveau plan d’action  visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, que le gouvernement  reconnaît les différentes formes de maltraitances et de violation des droits… est-ce que les fonctionnaires travaillant au Curateur Public ont tout en main pour signaler et remédier à des situations de maltraitance organisationnelle causées par les limites du réseau de la santé, par un réseau défaillant de ressources d’hébergement?  N’est-il pas urgent de profiter de la refonte du Curateur pour améliorer les mécanismes de protection de l’ensemble des  personnes vulnérables, incluant les personnes lourdement handicapées sans famille?

Depuis la pandémie, nous sommes éloignés de plusieurs de nos membres, des adultes ayant une déficience intellectuelle moyenne à sévère, sans famille qui vivent présentement des conditions d’isolement social et de sous-stimulation.  Nous souhaitons maintenir le lien, continuer les visites, les appels, etc… mais pour y arriver, on doit se battre et comme dans toutes les batailles, parfois, on l’échappe. Aujourd’hui j’ai le cœur gros parce que ces personnes me sont chères, qu’elles me manquent et que les failles du système les tiennent à l’écart.  Je demande au Curateur Public, dont le mandat est d’assurer un filet social de réparer le trou dans ses mailles.

Vous nommez que la surcharge de travail, le nombre de dossiers et le manque d’effectifs au Curateur sont un gros problème, nous n’avons pas de mal à le croire. Vous pourriez vous aider en reconnaissant et sollicitant notre rôle ou statut d’intervenants communautaires dans la vie des membres de nos organisations ; cela faciliterait la transmission d’informations et la prise en compte des intérêts et habitudes des usagers.  Nous croyons aussi que pour jouer un rôle significatif dans la vie des usagers, les curateurs désignés doivent connaître les personnes qu’ils représentent, veiller à ce que le réseau de la santé et des sercices sociaux réponde adéquatement à leurs besoins (lequel est limité également par ses ressources humaines et financières) et que l’ensemble du réseau social autour de l’usager soit  considéré pour favoriser les bonnes prises de décisions.   Finalement, en tant qu’intervenants bienveillants, nous invitons les fonctionnaires du réseau et du Curateur public à contacter les intervenants « terrain » que nous sommes et à oser réfléchir au-delà des mandats, sortir des cases pour unir les bonnes personnes pour aider et contribuer au bien-être des usagers représentés par le Curateur Public. Et si le Curateur public osait entendre les intervenants qui passent beaucoup de temps auprès des usagers, fussent-ils communautaires et pas seulement des intervenants officiels mais fantômes !  

Marianne Dupéré

Intervenante-Coordonnatrice Sans Oublier le Sourire

Copies conformes:

Manon Massé, députée Ste-Marie St-Jacques

Mathieu Lacombe, Ministre de la famille

Marie-Noëlle Goulet Beaudry, Coordonnatrice CRADI

Nathalie Déziel, Directrice Regroupement des aidantes et aidants  naturels  de Montréal

 Nicolas Senet Coordonnateur en matière de proche aidance,CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal,

Isabelle Perrin, Personne Ressource, Comité des usagers du CRDITED de Montréal

Marc-Aurèle Quintal, Président Sans Oublier le Sourire

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